poste, qui me regardaient ou ne regardaient rien, n’avaient-elles pas des joies et des chagrins, des intérêts de cœur, de fortune, de famille, comme on en a à Paris ? J’aurais été loin dans l’histoire de mes voisins, si le dîner ne s’était annoncé poétiquement au fracas d’un coup de tonnerre : c’était beaucoup de bruit pour peu de chose.
À dix heures du soir, je remontai en voiture ; je m’endormis au grignotement de la pluie sur la capote de la calèche. Le son du petit cor de mon postillon me réveilla. J’entendis le murmure d’une rivière que je ne voyais pas. Nous étions arrêtés à la porte d’une ville ; la porte s’ouvre ; on s’enquiert de mon passe-port et de mes bagages ; nous entrions dans le vaste empire de Sa Majesté wurtembourgeoise. Je saluai de ma mémoire la grande-duchesse Hélène[1], fleur gracieuse et délicate maintenant enfermée dans les serres du Volga. Je n’ai conçu qu’un seul jour le prix du haut rang et de la fortune : c’est à la fête que je donnai à la jeune princesse de Russie dans les jardins de la villa de Médicis. Je sentis comment la magie du ciel, le charme des lieux, le prestige de la beauté et de la puissance pouvaient enivrer ; je me figurais être à la fois Torquato Tasso et Alfonso d’Este ; je valais mieux que le prince, moins que le poète ; Hélène était plus belle que Léonore. Représentant de l’héritier de François Ier et de Louis XIV, j’ai eu le songe d’un roi de France.
On ne me fouilla point : je n’avais rien contre les