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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

nommer après vous, c’est d’assurer aux intérêts qui se partagent notre belle France une loi de combat plus humaine, plus civilisée, plus fraternelle, plus concluante que la guerre civile. Quand donc réussirons-nous à mettre en présence les idées à la place des partis, et les intérêts légitimes et avouables à la place des déguisements, de l’égoïsme et de la cupidité ? Quand verrons-nous s’opérer par la persuasion et par la parole ces inévitables transactions que le duel des partis et l’effusion du sang amènent aussi par épuisement, mais trop tard pour les morts des deux camps, et trop souvent sans profit pour les blessés et les survivants ? Comme vous le dites douloureusement, monsieur, il semble que bien des enseignements aient été perdus et qu’on ne sache plus en France ce qu’il en coûte de se réfugier dans un despotisme qui promet silence et repos. Il n’en faut pas moins continuer de parler, d’écrire, d’imprimer ; il sort quelquefois des ressources bien imprévues de la constance. Aussi, de tant de beaux exemples que vous avez donnés monsieur, celui que j’ai le plus constamment sous les yeux est compris dans un mot : Persévérer.

« Agréez, monsieur, les sentiments d’inaltérable affection avec lesquels je suis heureux de me dire

« Votre plus dévoué serviteur,
« A. Carrel.

« Puteaux, près Neuilly, le 4 octobre 1834. »

M. Carrel fut enfermé à Sainte-Pélagie ; j’allais le voir deux ou trois fois par semaine : je le trouvais