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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

la pressa de venir chez elle ; elle s’y fit transporter.   .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .

Morte à tous les objets créés, elle ne voulait plus que Dieu et que Dieu seul ; elle avouait ingénument avoir poussé trop loin l’amour de la pénitence, et cependant elle le conservait toujours, se réjouissant de l’accroissement de ses souffrances, souriant avec grâce après les nuits les plus pénibles et disant : « Cela est passé, il n’y faut plus penser. » Jamais on ne surprit sur ses lèvres l’aveu qu’elle eût souffert. Ses méditations si fréquentes sur la passion de Notre-Seigneur lui avaient appris combien on est heureux de se trouver un moment sur la croix.

Comment retracer fidèlement et sa douceur et sa reconnaissance pour les plus légers services, soit de la part de ses gardes, soit de la part de tous ceux qui l’approchaient ? L’amie qui l’avait recueillie dans son ermitage recevait à chaque instant un nouveau témoignage de sa gratitude. Elle lui répétait souvent : « Mais que vous êtes bonne et charitable de m’avoir reçue ! » Son immense charité ne se démentit jamais ; ses derniers vœux, ses derniers soupirs ont été pour les pauvres. Tous la pleurèrent et publiaient hautement les actes de son inépuisable charité.

Dans un moment où son état semblait empirer, elle dit, et comme hors d’elle-même, à une de ses meilleures amies : « Ah ! ma bonne amie, je verrai mon Dieu ! » Cependant l’extrême délicatesse de sa conscience lui faisait craindre que son désir de mourir, quoique inspiré par un si beau motif, ne fût pas assez pur. Il lui échappa de dire : « Non, je ne veux plus désirer la mort, mais uniquement le bon plaisir de