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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

que j’aurai le bonheur de vous voir, il sera indispensable d’organiser entre vous et moi un moyen de correspondre qui soit plus sûr que ceux dont nous faisons usage aujourd’hui et plus à l’abri des infidélités.

« Il est très-vrai, monsieur le vicomte, que j’ai eu à lutter dans ces derniers temps ; l’on n’a rien négligé pour me faire un peu peur, et pour me mettre dans le cas de vous la faire partager ; mais, comme je vous le mande dans ma dépêche, j’ai trop bien compris l’avantage que doit nous donner l’admirable situation dans laquelle se trouve aujourd’hui la France, pour me laisser facilement intimider. J’ai donc été avec prudence, mais sans aucune espèce de crainte, au-devant de l’orage ; je n’ai été ému ni de l’humeur que l’on m’a témoignée ni de tous les dangers dont on m’a menacé ; et du moment où l’on a été bien convaincu que je ne reculerais pas, on s’est calmé, on est entré en composition.

« Je n’ai pas obtenu tout ce que j’aurais voulu ; j’aurais désiré que la dépêche à Pozzo[1] fût autrement rédigée ; il y a plusieurs phrases que j’aurais voulu faire supprimer ou changer ; mais, ayant obtenu le point essentiel pour le moment, je n’ai pas cru prudent de vouloir exiger davantage d’un amour-propre si facile à froisser. Tout mon désir maintenant est que vous soyez satisfait des communications que vous portent nos courriers, et que vous soyez bien convaincu que j’ai fait tout ce qui dépendait de moi pour remplir vos intentions.

« J’ai presque regretté que, dans votre dépêche et

  1. Le comte Pozzo di Borgo, ambassadeur de Russie à Paris.