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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

malgré la signature du traité de Paris, à l’état de coalition contre la France. De plus, à la veille de la réunion du Congrès, les quatre grandes puissances avaient signé entre elles une convention stipulant que, pour ce qui avait rapport aux affaires générales, on ne ferait aucune attention aux réclamations de la France et de l’Espagne. Ce n’est pas tout. Par un protocole du 22 septembre 1814, elles avaient décidé qu’elles tiendraient des conférences à quatre, savoir, l’Angleterre, l’Autriche, la Russie et la Prusse, et que, dans ces conférences, elles feraient la distribution des territoires enlevés à la France ou à ses alliés ; que ce serait seulement après une parfaite et complète entente à ce sujet, qu’elles conféreraient avec les plénipotentiaires de France, de Suède, d’Espagne et de Portugal.

Telle était la situation, lorsque M. de Talleyrand arriva à Vienne, où il semblait bien dès lors que son rôle dut être, non seulement secondaire et effacé, mais nul et humilié. Or, qu’est-il arrivé ? C’est que ce rôle a été considérable, presque prépondérant, à coup sûr glorieux.

Dès le début, M. de Talleyrand obtint que la France ne serait pas tenue à l’écart des délibérations des grandes puissances, qu’elle serait admise à y prendre part sur le pied de l’égalité.

Le roi de Saxe avait encouru le cas de forfaiture posé en 1813 dans les déclarations de la Coalition. Jusqu’au dernier moment, il était resté attaché à la fortune de Napoléon ; si l’armée saxonne s’était séparée de l’Empereur à Leipzick, c’était par un mouvement spontané, indépendant de la volonté de son souverain. L’empereur Alexandre croyait donc les Alliés légitimement autorisés à appliquer au roi de Saxe l’arrêt qu’ils avaient prononcé au commencement de la campagne. Si le tsar était résolu à faire perdre au roi de Saxe ses États, le roi de Prusse était fort disposé à les prendre. La Saxe était, en effet, à la portée et à la convenance de la Prusse. Elle lui donnait