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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tantes, s’enfermer tout éperdu avec M. de Gentz[1], pour brocher un article en réponse au Constitutionnel et aux Débats. Combien s’écoulera-t-il de jours avant la transmission des ordres du ministre impérial ?

D’un autre côté, M. de Blacas[2] sera-t-il bien aise de me voir à Prague ? M. de Damas[3] ne croira-t-il pas

  1. Frédéric de Gentz (1764-1832, célèbre publiciste allemand. Il avait été secrétaire des Conférences de Vienne en 1814 et 1815.
  2. Sur le duc de Blacas, voir au tome III la note 1 de la page 493 (note 18 du Livre IV de la Troisième Partie). — M. de Blacas avait suivi en exil le roi Charles X et il exerçait sur la petite cour de Prague une influence prépondérante. Il mourut à Prague le 17 novembre 1839.
  3. Damas (Anne-Hyacinthe-Maxence, baron de), né à Paris le 30 septembre 1785. Il n’avait que six ans lorsqu’il quitta la France avec sa famille, au milieu des sinistres menaces de la Révolution. À dix ans, il entra à l’école des cadets de l’artillerie, à Saint-Pétersbourg, sur la recommandation de son oncle, le duc de Richelieu. Il aurait pu s’appuyer aussi du comte Roger de Damas, qui, sous le drapeau moscovite, s’était si brillamment battu contre les Turcs. Il servit avec distinction dans l’armée russe ; en 1813, il était général major (maréchal de camp). À la première Restauration, il fut attaché au duc d’Angoulême comme gentilhomme et comme aide de camp. Louis XVIII le nomma lieutenant général, le 10 août 1815. Lors de la campagne d’Espagne en 1823, à la tête d’une division de l’armée de Catalogne, il manœuvra si bien qu’à Llers et à Llado (15 et 16 septembre) il fit prisonnière toute la colonne ennemie. La reddition de Figuières suivit de près cette défaite des Espagnols. Le petit corps étranger, qui venait de combattre contre nous, et dont faisaient partie Armand Carrel et plusieurs autres Français, fut en grande partie détruit. « Les quelques débris survivants, dit Sainte-Beuve (Causeries du lundi, t. VI, p. 73), n’échappèrent que grâce à une capitulation généreusement offerte par le général baron de Damas, et qui garantissait la vie et l’honneur des capitulés. « Quant à ceux des étrangers qui sont Français, était-il dit dans la convention rédigée le lendemain, le lieutenant-général s’engage à solliciter vivement leur grâce ; le lieutenant-général espère l’obtenir. » En récompense des services qu’il venait de rendre, le baron de Damas fut nommé pair de France le 9 et ministre de la guerre le 19 octobre 1823. L’année suivante, il fut