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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

fants, je m’avançai vers l’orphelin et je lui dis : « Henri V me veut-il permettre de déposer à ses pieds l’hommage de mon respect ? Quand il sera remonté sur son trône, il se souviendra peut-être que j’ai eu l’honneur de dire à son illustre mère : Madame, votre fils est mon roi. Ainsi j’ai le premier proclamé Henri V roi de France, et un jury français, en m’acquittant, a laissé subsister ma proclamation. Vive le roi ! »

L’enfant, ébouriffé de s’entendre salué roi, de m’entendre lui parler de sa mère dont on ne lui parlait plus, recula jusque dans les jambes du baron de Damas, en prononçant quelques mots accentués, mais presque à voix basse. Je dis à M. de Damas :

« Monsieur le baron, mes paroles semblent étonner le roi. Je vois qu’il ne sait rien de sa courageuse mère et qu’il ignore ce que ses serviteurs ont quelquefois le bonheur de faire pour la cause de la royauté légitime. »

Le gouverneur me répondit : « On apprend à Monseigneur ce que de fidèles sujets comme vous, monsieur le vicomte . . . . . . . . . . » Il n’acheva pas sa phrase.

M. de Damas se hâta de déclarer que le moment des études était arrivé. Il m’invita à la leçon d’équitation à quatre heures.

J’allai faire une visite à madame la duchesse de Guiche[1], logée assez loin de là dans une autre partie

    ses Mémoires, page 385, à cette cour de l’exil, et cette place, je puis le dire sans vanité, obtenue tout naturellement, s’était agrandie par la dignité de ma conduite, plus encore peut-être que par la scrupuleuse exactitude de mon dévouement. »

  1. Sur la duchesse de Guiche, voir au tome IV la note 2 de la page 256 (note 21 du Livre IX de la Troisième Partie).