tout le monde debout. Le jeune prince, effarouché, me regardait de côté, regardait son gouverneur comme pour lui demander ce qu’il avait à faire, de quelle façon il fallait agir dans ce péril, ou comme pour obtenir la permission de me parler. Mademoiselle souriait d’un demi-sourire avec un air timide et indépendant ; elle semblait attentive aux faits et gestes de son frère. Madame de Gontaut se montrait fière de l’éducation qu’elle avait donnée[1]. Après avoir salué les deux en-
- ↑ Sur Madame de Gontaut, voir au tome II la note 2 de la page 162 (note 34 du Livre VIII de la Première Partie). — Madame de Gontaut avait été nommée, en 1819, gouvernante de la fille du duc de Berry, Mademoiselle, la future duchesse de Parme. En 1820, le duc de Bordeaux lui fut également confié, et elle reçut à cette occasion le titre de gouvernante des enfants de France. Lorsque le duc de Bordeaux eut six ans et que M. de Rivière lui fut donné pour gouverneur, Charles X écrivit à Madame de Gontaut une lettre remplie de bonté, lui recommandant d’avoir courage pour le jour de la séparation. Le roi lui annonçait en même temps qu’il lui donnait le titre et le rang de duchesse. Elle restait chargée de l’éducation de Mademoiselle. Le 16 août 1830, elle s’embarqua à Cherbourg avec la famille royale, à bord du navire américain le Great-Britain. Avec le vieux roi, avec le duc d’Angoulême et Madame la Dauphine, elle reprenait, comme aux jours de sa jeunesse, le chemin de l’exil. Elle les suivit en Angleterre, en Écosse et en Bohême, à Lulworth, à Holy-rood et au Hradschin. L’éducation de Mademoiselle une fois terminée, et il n’en fut jamais de plus parfaite, madame de Gontaut aurait pu rentrer en France, puisque sa tâche était remplie ; mais se séparer de ses élèves, de ses maîtres proscrits, lui paraissait impossible : elle n’y songea pas un instant. « J’avais ma place, dit-elle dans
faud, sous les traits de ce courageux enfant, la piété filiale elle-même. Il arriva, en effet, que les bourreaux, qui ne reculaient pourtant devant aucun crime, reculèrent devant celui-là. Il fut sursis à l’exécution ; le 9 thermidor survint et rendit le jeune la Villate à sa famille. Mais les émotions poignantes de cette nuit terrible, pendant laquelle il avait lutté contre les refus de son père, avaient fait en quelques heures blanchir ses cheveux et avaient donné cette couronne à ses dix-huit ans.