Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t6.djvu/453

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
437
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

craindre que ces ornements de prix ne soient qu’au profit des jours expirés, comme la couronne de fleurs sur la tête d’Homère chassé avec grand respect de la République de Platon. La légitimité semble aujourd’hui n’avoir pas l’intention d’aller plus loin ; elle paraît adopter sa chute.

La mort de Charles X ne pourrait être un événement effectif qu’en mettant un terme à une déplorable contestation de sceptre et en donnant une direction nouvelle à l’éducation de Henri V : or, il est à craindre que la couronne absente soit toujours disputée ; que l’éducation finisse sans avoir été virtuellement changée. Peut-être, en s’épargnant la peine de prendre un parti, on s’endormira dans des habitudes chères à la faiblesse, douces à la vie de famille, commodes à la lassitude, suite de longues souffrances. Le malheur qui se perpétue produit sur l’âme l’effet de la vieillesse sur le corps ; on ne peut plus remuer ; on se couche. Le malheur ressemble encore à l’exécuteur des hautes justices du ciel : il dépouille les condamnés, arrache au roi son sceptre, au militaire son épée ; il ôte le décorum au noble, le cœur au soldat, et les renvoie dégradés dans la foule.

D’un autre côté, on tire de l’extrême jeunesse des raisons d’atermoiements ; quand on a beaucoup de temps à dépenser, on se persuade qu’on peut attendre ; on a des années à jouer devant les événements : « Ils viendront à nous, s’écrie-t-on, sans que nous nous en mettions en peine ; tout mûrira, le jour du trône arrivera de lui-même ; dans vingt ans les préjugés seront effacés. » Ce calcul pourrait avoir quelque justesse, si les générations ne s’écoulaient