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Page:Chateaubriand - Oeuvres de Lucile de.djvu/12

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œuvres de lucile de chateaubriand

Étrange famille que celle de ces Chateaubriand : le père, ancien corsaire, avait redoré par le commerce aux colonies son blason, qui datait de plusieurs siècles. « M. de Chateaubriand, dit son fils, était grand et sec ; il avait le nez aquilin, les lèvres minces et pâles, les yeux enfoncés, petits et pers ou glauques, comme ceux des lions ou des anciens barbares. Je n’ai jamais vu un pareil regard : quand la colère y montait, la prunelle étincelante semblait se détacher et venir vous frapper comme une balle.

« Une seule passion dominait mon père, celle de son nom. Son état habituel était une tristesse profonde que l’âge augmenta et un silence dont il ne sortait que par des emportements. Avare dans l’espoir de rendre à sa famille son premier éclat, hautain aux États de Bretagne avec les gentilshommes, dur avec ses vassaux à Combourg, taciturne, despotique et menaçant dans son intérieur, ce qu’on sentait en le voyant, c’était la crainte. »

Sa femme, Apolline de Bédée, avec de grands traits, était noire, petite et laide : élevée par sa mère, qui avait été à Saint-Cyr dans les dernières années de Mme de Maintenon, elle avait lu Fénelon, Racine, Mme de Sévigné ; elle aimait les histoires, racontait des anecdotes et savait tout Cyrus par cœur. Mais toutes ces façons mondaines étaient