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Page:Chateaubriand - Oeuvres de Lucile de.djvu/31

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lucile de chateaubriand

lampe posée à terre. Lorsque les deux aiguilles, unies à minuit enfantaient dans leur conjontion formidable l’heure des désordres et des crimes, Lucile entendait des bruits qui lui révélaient des trépas lointains. Se trouvant à Paris, quelques jours avant le 10 août, et demeurant avec mes autres sœurs dans le voisinage du couvent des Carmes, elle jette les yeux sur une glace, pousse un cri et dit : « Je viens de voir entrer la mort. » Dans les bruyères de la Calédonie, Lucile eût été une femme céleste de Walter Scott, douée de la seconde vue ; dans les bruyères armoricaines, elle n’était qu’une solitaire avantagée de beauté, de génie et de malheur. »

C’est certainement en pensant à Lucile et à leur vie à Combourg que le chevalier écrivait plus tard dans René : « Timide et contraint devant mon père je ne trouvais l’aise et le contentement qu’auprès de ma sœur Amélie. Une douce conformité d’humeurs et de goûts m’unissait étroitement à cette sœur, elle était un peu plus âgée que moi. Nous aimions à gravir les coteaux ensemble, à voguer sur le lac, à parcourir les bois à la chute des feuilles : promenades dont le souvenir emplit encore mon âme de délices. O illusions de l’enfance et de la patrie, ne perdez jamais vos douceurs !…

« Amélie avait reçu de la nature quelque chose de divin ; son âme avait les mêmes grâces innocentes