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LIVRE DEUXIÈME

l’instar d’autres monastères, de qui les abbés, comme Abbon de Paris, menaient vaillamment les mains : aussi pendant les deux siècles que les Anglais ravagèrent la France, la Trappe fut pillée plusieurs fois, notamment dans l’année 1410.

D’après les Pouillés, l’abbaye possédait les Terres-Rouges, les bois de Grimonard, le chemin au Chêne-de-Bérouth, les Bruyères, les Neuf-Étangs et les ruisseaux qui en sortent. Par où passait le chemin au Chêne-de-Bérouth ? D’où venait l’immortalité de ce chêne, immortalité qui ne dépassait pas son ombre ? Les bruyères s’étendant vers cet horizon sont-elles les mêmes que celles mentionnées aux Pouillés ? Je viens de les traverser ; enfant de la Bretagne, les landes me plaisent, leur fleur d’indigence est la seule qui ne se soit pas fanée à ma boutonnière. Là s’élevait peut-être le manoir de la châtelaine ; elle consuma ses jours dans les larmes, attendant son mari, qui ne revint point de la Terre Sainte avec l’abbé Herbert. Qui naissait, qui mourait, qui pleurait ici ? Silence ! Des oiseaux au haut du ciel volent vers d’autres climats. L’œil cherche dans les débris de la forêt du Perche les campaniles abattus, il ne reste plus que quelques clochetons de chaume : bien que des sings annoncent encore la prière du soir,