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LIVRE DEUXIÈME

clare parler sans exagération et sans excès ; il proteste que sa confession est aussi sincère que s’il était devant le tribunal de Jésus-Christ ; il abandonne à ses frères tous ses meubles ; il leur remet particulièrement ses livres. « Si, par des événements qu’on ne peut prévoir, dit-il, la réforme cessait d’être à La Trappe, je donne ma bibliothèque à l’Hôtel-Dieu de Paris pour être vendue au profit des pauvres et des malades. »

Rancé a l’air d’avoir un pressentiment des malheurs qui fondirent un siècle et demi plus tard sur son abbaye. Il laissa sa bibliothèque à ses religieux, lui qui ne voulait pas qu’un moine s’occupât d’études.

Ici on aperçoit madame de Montbazon pour la dernière fois. Astre du soir, charmant et funeste, qui va pour toujours descendre sous l’horizon. Aux dires de dom Gervaise, Rancé avait nombre de lettres de cette femme et deux portraits d’elle : l’un la représentait telle qu’elle était à son mariage, l’autre telle qu’elle était au moment où elle devint veuve. Ces secrets d’amour étaient à la garde de la religion. La mère Louise avait pour surveiller ses dépôts la faiblesse et la force nécessaires, l’indulgence d’une femme