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VIE DE RANCÉ

qui a failli et le courage d’une femme qui se repent. Le matin même de ses vœux, Rancé écrivit à Tours pour donner l’ordre de jeter les lettres au feu et pour faire renvoyer les portraits à M. de Soubise, fils de madame de Montbazon[1]. Rompre avec les choses réelles, ce n’est rien ; mais avec les souvenirs ! Le cœur se brise à la séparation des songes, tant il y a peu de réalités dans l’homme.

Une autre lettre écrite à la mère Louise, le 14 juin 1664, porte : « J’attends avec une humble patience l’heureux moment qui doit m’immoler pour toujours à la justice de Dieu. Tous mes moments sont employés à me préparer à cette grande action. Je n’appréhende rien davantage, sinon que l’odeur de mon sacrifice ne soit pas agréable à Dieu ; car il ne suffit pas de se donner, et vous savez que le feu du ciel ne descendait point sur le sacrifice de ce malheureux qui offrait à Dieu des victimes qui ne lui étaient point agréables. »

On n’a jamais fait attention à cette plainte, qui sort du cœur de Rancé comme de ces boîtes harmonieuses faites dans les montagnes, qui répètent

  1. Dom Gervaise, etc.