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Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/127

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LIVRE DEUXIÈME

rent la viande et les œufs. Il s’introduisit une manière honnête de parler et d’agir les uns avec les autres ; ils respectaient en eux l’homme racheté, s’ils méprisaient l’homme tombé.

Dans la distribution du travail, une portion d’un terrain inculte était échue à Rancé : au premier coup de bêche, il rencontra quelque chose de dur : c’était d’anciennes pièces d’or d’Angleterre. Il y en avait soixante, chacune valant sept francs : ce présent de la Providence aide Rancé à faire son voyage. Ayant convoqué ses moines, il leur fit ses adieux : « J’ai à peine le temps, leur dit-il, de vous remettre devant les yeux cette parole de saint Bernard : Mon fils, si vous saviez quelles sont les obligations d’un moine, vous ne mangeriez pas une bouchée de pain sans l’arroser de vos larmes. » Puis il ajouta : « Je prie Dieu d’avoir pitié de vous comme de moi. S’il nous sépare dans le temps, qu’il nous réunisse dans l’éternité. »

Les religieux se prosternèrent pour demander à Dieu la conservation de leur abbé.

Le nouveau Tobie partit pour Ninive : il n’allait pas épouser la fille de Raguel ; la fille de Raguel n’était plus. Le voyageur qui accompagnait Rancé n’était pas Raphael, mais l’Esprit de la pénitence ;