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LIVRE TROISIÈME

avait été diminué, les pratiques pieuses altérées ; le vin et le poisson reparaissaient sur les tables. Rancé, instruit à Rome de ces infractions, s’était hâté de mander à la Trappe : « Vous savez que les actions mortes ne sauraient plaire au Dieu de la vie. Gardez le silence autant avec vous-mêmes qu’avec les autres ; que votre solitude soit autant dans l’esprit et dans le cœur que dans la retraite extérieure de vos personnes ; que vos corps sortent de vos lits comme de vos tombeaux : au moment où je vous écris nos jours s’écoulent. » Les souvenirs d’Horace ne cessaient de vivre dans l’opulente mémoire de Rancé : Dum loquimur fugerit invida aetas.

Rancé remit la paix dans son monastère par la séparation de quelques chefs. Il se rendit ensuite au chapitre général de son ordre, qui se tint en l’année 1667. Un bref du pape de 1666 devait être reçu. Rancé avait connu ce bref à Rome. Plusieurs abbés, l’abbé de Cîteaux à leur tête, l’acceptèrent. Rancé prit la parole, tout jeune qu’il était, et dit qu’il avait droit d’opiner comme ancien docteur par la date de son doctorat. Il soutint que le pape Alexandre VII n’avait ni vu ni connu ce bref. Il demanda acte de sa protestation, qu’appuyèrent les abbés de Prières, de