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VIE DE RANCÉ

pommes cuites, et ne vendaient point de leurs mains souillées de meurtre des fruits aux petits enfants. Ces meurtriers étaient des déserteurs des armées du temps, des Routiers, des Condottieri, des Ruffiens. Somme toute, des capitaines, tels que Montluc et le baron des Adrets, qui faisaient sauter des prisonniers du haut des remparts, instruisaient leurs fils à se laver les bras dans le sang, accrochaient leurs prisonniers aux arbres. Valaient-ils mieux que leurs soldats ? Les illustres égorgeurs qui se retirèrent à Port-Royal et à la Trappe n’étaient-ils pas les dignes appelés à la retraite vengeresse qui les devait dévorer ! Un monde si plein de crimes se remplit de pénitents comme au temps de la Thébaïde.

Depuis la réforme jusqu’à la mort de Rancé on compte cent quatre-vingt-dix-sept religieux et quarante-neuf frères, parmi lesquels sont plusieurs de qui Rancé a écrit la vie et qui peuvent figurer dans les romans du ciel. On voit leurs noms dans l’Histoire de l’Abbaye de la Trappe, excellent recueil, où tout se trouve rapporté avec une minutieuse exactitude. Je le recommande d’autant plus que j’y ai remarqué quelques paroles d’humeur contre moi ; cependant, je croyais ne les avoir pas méritées.