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LIVRE TROISIÈME

À Port-Royal, même affluence d’hommes du monde ; mais à Port-Royal il y avait des femmes et des savants ; Pallue coulant le temps, médecin qui devint celui des solitaires, fit bâtir, nous dit Fontaine « un petit logis, appelé le Petit-Pallue, à cause de la petitesse bien juste et bien ramasséede ses appartements. » Vint ensuite Gentien-Thomas, suivi de ses enfants. On vit accourir M. de La Rivière, officier, qui apprit la langue grecque et la langue hébraïque, et se fit gardien des bois.

À la Trappe arrive Pierre ou François Fore : sous-lieutenant dans un corps de grenadiers, blessé dans plusieurs rencontres, plongé dans toutes sortes de vices, poursuivi par dix ou douze décrets de prise de corps, il était incertain s’il fuirait en Angleterre, en Allemagne, en Hongrie, ou s’il ne prendrait pas le turban ; il entendit parler de la Trappe. En quelques jours, il franchit deux cents lieues ; il arrive à la fin de l’hiver par des routes défoncées et d’affreuses pluies ; il frappe à la porte : son œil était hagard, son expression hautaine et dure, son sourcil fier, sa contenance militaire et farouche. Rancé le reçut. Des ulcères se formèrent dans la poitrine de Fore ; il vomit le sang sur la cendre, et il expira.

À Port-Royal on voit un M. de La Pétissière,