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LIVRE QUATRIÈME

En 1676, il contracta une maladie habituelle, avec laquelle il mourut, mais qui ne l’empêcha pas de travailler. Après avoir passé trois mois à l’infirmerie, il revint à la communauté. Ainsi s’écoula sa vie jusqu’en 1689, qu’il fut saisi d’une grosse fièvre. Aussitôt que le mal lui laissait quelque relâche, il reprenait ses occupations, suivies de rechutes : « La vie d’un pécheur comme moi dure toujours trop, » disait-il.

Mademoiselle, grand hurluberlu, qui se trouvait partout avec son imagination, écrivit à Rancé, et lui demanda quelques religieux. Il lui répondit : « Je suis fort persuadé, mademoiselle, que votre altesse royale ne doute point que je n’eusse une extrême joie de pouvoir lui nommer un religieux tel qu’elle le désire, mais j’en ai perdu huit depuis un an, qui sont allés à Dieu. Il y en a d’autres qui sont près de les suivre ; et quoique nous soyons encore un nombre considérable, nous ne vivons plus ni les uns ni les autres que dans la vue et le désir de la mort. »

À cette époque mourut un religieux qui n’avait pas plus de vingt-trois ans, et qui, dans son attirail de décédé, dit à Rancé : « J’ai bien de la joie de me voir dans l’habit de mon départ. » Il