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Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/192

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VIE DE RANCÉ

pendant ces silences, ouïr passer le monde avec le souffle du vent. Je me rappelais ces garnisons perdues aux extrémités du monde et qui font entendre aux échos des airs inconnus, comme pour attirer la patrie : ces garnisons meurent, et le bruit finit.

Bossuet assistait aux offices du jour et de la nuit. Avant Vêpres, l’évêque et le réformateur prenaient l’air. On m’a montré près de la grotte de Saint-Bernard une chaussée embarrassée de broussailles qui séparait autrefois deux étangs. J’ai osé profaner, avec les pas qui me servirent à rêver René, la digue où Bossuet et Rancé s’entretenaient des choses divines. Sur la levée dépouillée je croyais voir se dessiner les ombres jumelles du plus grand des orateurs et du premier des nouveaux solitaires.

Bossuet reçut le viatique le lundi saint de l’année 1704 : il y avait quatre ans que Rancé n’existait plus. Bossuet se plaignait d’être importuné de sa mémoire, sa garde lui soutenait la tête : « Cela serait bon, disait-il, si ma tête pouvait se tenir. » Dans un de ces moment, l’abbé Ledieu lui prononça le mot de gloire ; Bossuet reprit : « Cessez ces discours ; demandez pour moi pardon à Dieu. »