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LIVRE QUATRIÈME

Le 12 avril 1704, les pieds et les mains du moribond s’engourdirent. Un peu avant quatre heures et demie du matin il expira : c’était l’heure où son ami Rancé priait aux approches du jour. L’aigle qui s’était en passant reposé un moment dans ce monde reprit son vol vers l’aire sublime dont il ne devait plus descendre : il n’est resté de ce sublime génie qu’une pierre.

Rancé eut d’abord la pensée de se démettre de son abbaye ; il consulta Bossuet au mois de décembre 1682. Bossuet lui répondit d’attendre. Dans cette année le père d’un jeune mousquetaire réfugié à La Trappe se plaignit de la captation dont on avait usé envers son fils, il ne reçut de l’abbé que ces mots : « Vous le quitterez bientôt. »

En ce temps-là mourut l’abbé de Prières. J’en ai souvent parlé. Il fit écrire à Rancé par un prêtre : « L’abbé de Prières m’ordonna dans les derniers moments de sa vie de vous donner avis de sa mort en vous témoignant l’estime qu’il a conservée pour vous jusqu’au dernier soupir. »

Ces honnêtes gens se léguaient leur estime.

De toutes les accusations portées contre Rancé aucune ne s’appuyait sur une apparence de vérité,