Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
193
LIVRE QUATRIÈME

situde de Louis, appuyait la résolution de la fugitive. Le monde voyait une de ses victimes sous le froc, Rancé, encourager au cilice une autre victime.

Telle était l’aventure placée sur le chemin de la Maison-Dieu. Tous les souvenirs venaient du dedans et du dehors s’enfoncer dans ces solitudes ; chaque pénitent menait avec lui ses fautes, Les repentis se promenaient dans des routes écartées, se rencontraient pour ne se retrouver jamais. Les âmes qui portaient des souvenirs disparaissaient comme ces vapeurs que j’ai vues dans mon enfance sur les côtes de la Bretagne ; brouillards, assurait-on, produits par les volcans lointains de la Sicile. On rencontrait sur toutes les routes de la Trappe des fuyards du monde ; Rancé à ses risques et périls les allait recueillir ; il rapportait dans un pan de sa robe des cendres brûlantes, qu’il semait sur des friches. Aujourd’hui, on ne voit plus glisser dans les ombres ces chasses blanches, dont Charles Quint et Catherine de Médicis croyaient entendre les cors parmi les ruines du château de Lusignan, tandis qu’une fée envolée faisait son cri.

En descendant des hauteurs boisées où je cherchais les lares de Rancé, s’offraient des