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Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/238

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VIE DE RANCÉ

tant de ses frères sans être ému, comment il regardait le moindre soulagement offert aux souffrances comme une insigne faiblesse et presque comme un crime. Un évêque avait écrit à Rancé sur une abbesse qui avait besoin d’aller aux eaux, l’abbé lui répond :

« Le mieux que nous puissions faire quand nous voyons mourir les autres est de nous persuader qu’ils ont fait un pas qu’il nous faut faire dans peu, qu’ils ont ouvert une porte qu’ils n’ont point refermée. Les hommes partent de la main de Dieu, il les confie au monde pour peu de moments ; lorsque ces moments sont expirés, le monde n’a plus droit de les retenir, il faut qu’il les rende. La mort s’avance, et l’on touche à l’éternité dans tous les instants de la vie. On vit pour mourir ; le dessein de Dieu, lorsqu’il nous donne la jouissance de la lumière, est de nous en priver. On ne meurt qu’une fois, on ne répare point par une seconde vie les égarements de la première : ce que l’on est à l’instant de la mort, on l’est pour toujours. »

Cette langue du dix-septième siècle mettait à la disposition de l’écrivain, sans effort et sans recherche, la force, la précision et la clarté, en laissant à l’écrivain la liberté du tour et le carac-