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LIVRE QUATRIÈME

tère de son génie. On trouve cette description du silence imprimée dans la vingt-neuvième instruction de Rancé :

« La solitude est peu utile sans le silence, car on ne se sépare des hommes que pour parler à Dieu, en interrompant tout entretien avec les créatures.

» Le silence est l’entretien de la Divinité, le langage des anges, l’éloquence du ciel, l’art de persuader Dieu, l’ornement des solitudes sacrées, le sommeil des sages qui veillent, la plus solide nourriture de la providence, le lit des vertus ; en un mot, la paix et la grâce se trouvent dans le séjour d’un silence bien réglé. »

Rancé serait un homme à chasser de l’espèce humaine s’il n’avait partagé et surpassé les rigueurs qu’il imposait aux autres : mais que dire à un homme qui répond par quarante ans de désert, qui vous montre ses membres ulcérés, qui, loin de se plaindre, augmente de résignation à mesure qu’il augmente de douleur ? C’était ainsi qu’il fermait la bouche à ses adversaires, que Port-Royal et tous ses saints reculaient devant lui, qu’il faisait fuir ses ennemis en leur montrant la tête de la pénitence. Il voulait que tous les pécheurs mourussent avec lui ; comme les fa-