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VIE DE RANCÉ

le chirurgien de madame de Guise travailla. Cette main devint inutile et contrefaite. Le malade avait une répugnance extrême de toute nourriture. Affligé d’une toux insupportable, d’une insomnie continuelle, de maux de dents cruels, d’enflures aux pieds, il se vit réduit pendant près de six années à passer ses jours à l’infirmerie dans une chaise, sans presque jamais changer de posture. Un frère convers le pressant de prendre un peu de nourriture, Rancé dit avec un sourire : « Voilà mon persécuteur. » Il n’employait ses frères, qui regardaient comme un bonheur de le servir, qu’avec une extrême discrétion. Il souffrait la soif, n’osant leur demander à boire, de peur de les fatiguer. Lorsqu’on lui avait donné quelque chose, il en témoignait aussitôt sa reconnaissance par une inclination de tête en se découvrant. Il souffrait des douleurs aiguës que l’on n’aurait pas remarquées si l’on n’eût aperçu quelque changement sur son visage. Il avait fait mettre vis-à-vis de sa chaise dans l’infirmerie ces paroles du prophète : « Seigneur, oubliez mes ignorances et les péchés de ma jeunesse. » Ce fut pendant cette perpétuelle agonie qu’il composa son livre intitulé : Réflexions sur les quatre Évangélistes.

Rancé ne rencontra pas toujours des Mabillon,