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VIE DE RANCÉ

décrier un saint abbé ; mais je sais bien aussi que toute la France et les pays circonvoisins ont regardé ce misérable livre comme un libelle diffamatoire et son auteur comme un imposteur, qui fonde toutes ses calomnies sur des jugements les plus téméraires qui se puissent imaginer : comme si pour détruire les vertus les plus éclatantes et les plus solides il n’y avait qu’à dire témérairement qu’elles n’ont point d’autres sources que l’orgueil de celui qui les pratique. » Le Nain se débarrasse ainsi de la réponse. Les amplifications de l’auteur des Homélies familières sont naturelles, mais elles ne détruisent aucune assertion.

Sur le fait isolé lâché par une plume protestante, il est tombé une avalanche de malédictions. Colère à part, on peut nier les erreurs avancées sur la jeunesse de Rancé, mais on ne peut nier des relations qu’atteste toute l’histoire. On a craint sans doute en montrant Rancé pécheur d’ébranler l’autorité des exemples de sa vertu. Cependant saint Jérôme et saint Augustin n’ont-ils pas puisé leurs dernières forces dans leurs premières faiblesses ? Un aveu franc aurait délivré Rancé pour toujours des calomnies. On ne l’accusait pas directement de la faute, il est vrai, car il