Soient en paix vos esprits, enfants gentils tous deux !
La paix soit avec vous qui vivez dans les cieux !
Mais avant de quitter vos dépouilles mortelles
Si vivantes encore, et dans la mort si belles !
Sur vos lèvres, enfants, déposons un baiser !"
"Mais c’est un marbre froid ! je ne puis m’abuser !"
À toi qui dérobas son âme à la nature
Pour en doter un marbre, un morceau de sculpture,
À toi, Chantrey, la gloire, à toi la renommée !
Ton cœur peut la narguer l’envie envenimée !
Car ces gentils enfants qui dans un doux sommeil
Dorment ainsi, sans craindre un importun réveil,
Les siècles les verront, passeront sur leur tête,
Mais sans pouvoir jamais en faire la conquête ;
Pour ces corps si charmants pas de corruption,
Ils n’enfanteront point l’annihilation,
Ce hideux ver rongeur, malveillante canaille
Sur le corps qui fut nous, qui grouille et fait ripaille ;
Mais ce calme si doux, ce sourire enchanteur
Qui se joue immortel sur ces yeux sans lueur,
Attireront toujours avec de nouveaux charmes
Des mères le regard ému de saintes larmes ;
Et les pères diront tous d’un commun accord :
Qu’ils dorment doucement ces enfants dans la mort !"
Qu’un honnête homme pauvre ait le honteux caprice
De courber le front pour cela,
Foin du poltron, pauvreté n’est pas vice,
Soyons pauvres, malgré cela.
Qui travaille ici bas peut regarder sans crainte
Le riche pour cela,
D’une guinée en or le rang n’est que l’empreinte,
Et l’homme est l’or, malgré cela !