Page:Chatelain - Rayons et reflets.djvu/119

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Elle accourt folâtrant en dévorant l’espace
            Pour arriver jusqu’à sa place,
Étend la main vers lui, l’appelle par son nom,
Avec ce gai visage, avec ce doux sourire,
            Dont irrésistible est l’empire,
Et le chasseur soudain se penche, et perd l’aplomb :

Il se penche en avant, et puis de chute en chute
            Hélas ! en moins d’une minute
Il vît abîmes, rocs, passer devant ses yeux ;
Et puis plus rien, plus rien, plus rien que le silence ;
            Le rêve finit l’existence,
L’existence le rêve, – et tout rit sous les cieux !


――――


BURNS (ROBERT)*


À une Pâquerette des Champs écrasée sous la Charrue (Avril 1786).



Petite et gente fleur, au contour cramoisi
Pourquoi me rencontrer en cette heure fatale ?
           Sans le vouloir je viens ici,
     De t’écraser jusqu’au dernier pétale ;
Et ne puis maintenant malgré mon désespoir,
Joli bijou ! te rendre à la vie… à l’espoir !

Aujourd’hui ce n’est plus comme c’était hier,
La joyeuse alouette alors de ta corolle
           Sous sa patte, au souffle de l’air
Faisait gaiement ployer la brillante auréole,
Lorsque de la nature épiant le réveil
Elle montait – montait saluer le soleil.

Sur ton nid de verdure a soufflé dès l’abord
De ses torrents de pluie, et de sa froide haleine
           L’âpre bise du vent du nord,
Cependant tu naquis au milieu de la plaine
Joyeusement, narguant la voix de l’ouragan,
En crévassant le sol par un subit élan,