Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/114

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qui retentit de plaintes et de cris.
Lors arrive le désolé Thébain Palamon,
la barbe éparse et les cheveux rudes et pleins de cendre,
en noirs vêtements, tout aspergés de larmes ;
puis, pleurant plus fort que les autres, Émilie,
la plus marrie de toute la compagnie.

À cette fin que le service
fût d’espèce plus noble et plus riche encore,
le duc Thésée fit amener trois destriers
2890caparaçonnés d’acier tout scintillant,
et couverts des armes de messire Arcite.
Sur ces destriers qui étaient grands et blancs
montèrent des hommes dont l’un porta son écu,
l’autre tint en ses mains sa lance levée,
le tiers portait avec lui son arc turquois ;
la trousse en était d’or bruni ainsi que le harnois ;
et ils allèrent au pas, l’air affligé,
vers le bois ainsi qu’allez entendre.

Les plus nobles des Grecs alors présents
2900sur leurs épaules portèrent la civière
à pas comptés, les yeux rouges et mouillés,
à travers la cité, par la grand’rue
qui était toute tendue de noir ; et à une hauteur merveilleuse
de ce même drap toute la rue est couverte.
Du côté droit marchait le vieil Égée,
et sur l’autre côté le duc Thésée,
ayant en main des vaisseaux d’or bien fin,
tout pleins de miel, de lait, de sang, de vin ;
puis Palamon avec bien grande compagnie ;
2010et après lui venait la dolente Émilie,
tenant en main du feu, comme était en ce temps l’usage
de faire l’office du service funèbre.

Grand fut le travail et bien beau l’appareil
de ce service et de ce bûcher
qui de sa cime verte touchait le ciel
et avait en large vingt toises mesurées bras étendus.
C’est dire comme les branches étaient larges.
On avait mis d’abord des charretées de paille eu grand nombre.