Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/115

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Mais comment le bûcher fut bâti si haut
2920et aussi quels noms avaient tous les arbres,
tels que chêne, pin, bouleau, tremble, aune, rouvre, peuplier,
saule, orme, platane, frêne, buis, châtaignier, tilleul, laurier,
érable, épine, hêtre, noisetier, yeuse, coudrier ;
comment on les coupa, je n’ai pas à le dire ;
ni comment les dieux couraient ça et là
déshérités de leur habitation
où ils demeuraient en repos et paix,
nymphes, faunes et hamadryades ;
ni comment les bêtes et les oiseaux
2930fuyaient tous de peur quand le bois fut coupé ;
ni comment le sol fut effaré par la lumière,
lui qui n’avait pas accoutumé de voir le clair soleil ;
ni comment le bûcher fut d’abord jonché de paille
et puis de souches sèches fendues en trois,
et puis de bois vert et d’épices,
et puis de drap d’or et de pierreries,
et puis de guirlandes où pendaient maintes fleurs,
la myrrhe, l’encens à si grande odeur ;
ni comment Arcite gisait en tout cela,
2940ni quelle richesse entoure son corps,
ni comment Émilie, selon l’usage
alluma le feu du service funèbre ;
ni comme elle se pâma quand on fit le feu,
ni ce qu’elle dit, ni quel fut son désir,
ni quels joyaux on jeta dans le feu,
lorsque ce feu fut grand et brûla fort ;
ni comme aucuns y jetèrent leur écu, autres leur lance,
ou part des vêtements qu’ils portaient,
et des coupes pleines de vin, de lait, de sang,
2950dans ce feu qui brûlait avec fureur ;
ni comment les Grecs en vaste cortège
trois fois chevauchèrent autour du bûcher
à main gauche, avec grandes clameurs,
en choquant leurs lances trois fois ;
et comment trois fois les dames crièrent ;
ni comme on emmena chez elle Émilie,
ni comment Arcite est réduit en froides cendres,
ni comment on fit la veillée du mort