Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/179

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et si ce chevalier veut jurer que c’est elle
qui a tué cette femme, nous aviserons alors
qui nous voulons désigner pour être juge. »

Un livre breton où sont écrits les Évangiles
fut apporté et sur ce livre il jura aussitôt
qu’elle était coupable, et dans le même moment
une main le frappa sur la nuque,
670en sorte que sur-le-champ il tomba comme une pierre
et ses deux yeux lui jaillirent du visage
à la vue de tous en ce lieu.

Une voix fut entendue de l’assemblée
disant : « Tu as calomnié une innocente,
la fille de sainte Église, en haute présence ;
voilà ce que tu as fait, et maintenant je me tais[1]. »
À cette merveille la foule entière fut épouvantée
et chacun était là, comme en stupeur,
par crainte de vengeance, sauf la seule Constance.

680Grande fut la crainte ainsi que le repentir
de ceux qui avaient faussement soupçonné
cette sainte et innocente Constance,
et en raison de ce miracle, pour conclure,
et par la médiation de Constance
le roi et maint autre en ce lieu
se convertirent. Grâces en soient rendues à la bonté du Christ !

Le chevalier félon fut mis à mort pour son mensonge
sur une sentence rendue en hâte par Alla,
et pourtant Constance eut grande compassion de sa mort.
690En suite de ceci, Jésus dans sa miséricorde
fit qu’Alla épousa très solennellement
cette sainte fille, si brillante et si belle,
et de la sorte le Christ a fait Constance reine.

Mais qui fut attristée, si je ne dois mentir,
de ce mariage, sinon Donegilde et nulle autre,
la mère du roi, pleine de cruauté ?

  1. Peut être faut-il comprendre « et pourtant je me suis tu », car l’original français porte ici (en latin) : « Haec fecisti et tacui ». Chaucer dit : » and yet holde I my pees », où yet et holde (présent) semblent être en contradiction.