Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/178

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Le noble roi a conçu une grande opinion
de ces témoignages et dit qu’il s’enquerrait
630plus à fond de la chose, pour apprendre la vérité.

Hélas ![1] Constance, tu n’as pas de champion,
et ne peux nullement lutter, hélas donc !
Mais que Celui qui mourut pour notre rédemption
et qui lia Satan (et celui-ci gît encore où il gisait alors)
soit ce jour d’hui ton puissant champion !
Car si le Christ ne produit un miracle manifeste
sans crime tu vas être immédiatement mise à mort.

Elle tomba à genoux, et ainsi elle parla :
« Dieu immortel, qui sauvas Suzanne
640d’une fausse accusation, et toi, Vierge miséricordieuse,
je veux dire Marie, fille de sainte Anne,
devant le fils de qui les anges chantent hosanna,
si je suis innocente de cette félonie,
sois mon secours, sans quoi je vais mourir ! »

N’avez-vous pas vu parfois le visage pâle,
au milieu d’une foule, de celui que l'on conduit
à sa mort, quand il n’a pas obtenu de pardon,
et il avait telle couleur sur sa face
que l’on pouvait reconnaître le visage de ce malheureux
650parmi tous les visages du cortège :
ainsi se tenait Constance, regardant autour d’elle.

Ô reines qui vivez en prospérité,
duchesses et vous toutes, dames,
ayez quelque pitié de son malheur.
Une fille d’empereur est là toute seule,
elle n’a personne à qui adresser sa plainte.
Ô sang royal qui te trouves en ce péril,
dans ton grand danger tes amis sont loin !

Le roi Alla en eut telle compassion,
660car noble cœur est plein de pitié,
que de ses yeux les larmes découlaient.
« Or, (dit-il), cherchez en hâte en un livre

  1. Vers 631-658. Les 4 belles stances si pathétiques qui suivent sont entièrement de Chaucer.