« O mon petit enfant, or je vais te chercher,
quand cette graine sera prise de ta langue ;
ne sois point effrayé ; ne t’abandonnerai. »
Ce saint moine (c’est bien l’abbé que je veux dire)
lui tira donc la langue et en prit cette graine
et cet enfant rendit l’esprit fort doucement.
Et quand l’abbé eut vu cette grande merveille,
ses pleurs amers dégouttèrent comme une pluie,
et il tomba tout plat, en avant sur le sol,
et sans bouger, comme lié, y demeura.
Le couvent se coucha aussi sur le terrain,
en pleurant, et du Christ louant la chère mère ;
et puis se relevant, ils s’en allèrent,
et retirèrent ce martyr de son cercueil ;
et dedans un tombeau de marbre clair,
ils enfermèrent ce doux petit corps ;
et lui se trouve où Dieu nous veuille réunir !
Jeune Hugh de Lincoln[1] ô toi qui fus aussi
tué par Juifs maudits, comme est notoire,
car ce n’est qu’un tout petit temps passé,
prie donc aussi pour nous, nous pécheurs inconstants,
afin qu’en sa merci Dieu pitoyable
multiplie sa grande pitié sur nous,
pour le plus grand honneur de sa mère Marie.
Amen. »
- ↑ L’histoire de Hugh de Lincoln, petit garçon qu’on disait égorgé par les Juifs, est placé par Mathieu Paris en l’an 1255.