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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/371

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Conte du Clerc.


Ici commence le conte du clerc d’Oxford.


Il est sur le flanc ouest de l’Italie,
tout à la racine du froid Vésule,
une plaisante[1] plaine, abondante en victuaille,
60où maint château et village[2] se peuvent voir
qui furent fondés au temps de nos vieux pères,
ainsi que maint autre spectacle délectable,
et Saluces est le nom de ce noble pays.

Un marquis, autrefois, était seigneur de cette terre,
comme l’avaient été ses dignes ancêtres avant lui ;
obéissants et tout prêts sous sa main
étaient tous ses vassaux, petits et grands ;
ainsi vit-il dans les délices et y a-t-il vécu depuis longtemps,
par la grâce de la fortune aimé et craint
70et des seigneurs et des communes.

Pour parler de sa lignée il était, en outre,
le plus noble de toute la Lombardie par sa naissance,
beau de sa personne, et fort, et jeune de son âge,
et plein d’honneur, ainsi que de courtoisie,
assez prudent pour régir ses états,
sauf en quelques points où il était blâmable,
et Gualtier était le nom de ce jeune seigneur.

Si je le blâme, c’est qu’il ne considérait pas
ce qu’à l’avenir il pourrait lui arriver,
80mais que toutes ses pensées allaient à ses plaisirs présents,
comme à la chasse au faucon ou à courre de tous côtés :
presque tous les autres soucis, il les laissait glisser loin de lui,
et, pis que tout le reste, il refusait aussi
d’épouser aucune femme, quoi qu’il pût advenir.

Sur ce point seulement ses sujets s’affligeaient si fort,
qu’un jour, en troupe, ils allèrent vers lui,

  1. Pétrarque : grata planitie.
  2. Id. : vicis et castellis.