Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/440

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qui en son temps avait si grand renom
qu’il n’était nulle part, en nulle région,
si excellent seigneur en toutes choses ;
il ne lui manquait de rien de ce qui fait un roi,
et à la religion dans laquelle il était né
il gardait la foi jurée ;
et il était en outre hardi, et sage, et riche,
20 et pitoyable et juste, toujours pareillement ;
fidèle à sa parole, bienveillant, honorable,
d’un caractère aussi stable qu’un centre[1] ;
jeune, frais, vigoureux, aussi ardent aux armes
que n’importe lequel des bacheliers de sa maison.
Il était bien de sa personne et fortuné,
et toujours tenait si bien état royal
que nulle part n’était homme pareil.
Ce noble roi, ce Tartare Gambinskan
avait deux fils d’Elpheta son épouse,
30 dont l’aîné s’appelait Algarsyf,
et l’autre fils avait nom Cambalo.
Ce digne roi avait une fille aussi,
qui était la plus jeune, et que l’on nommait Canacée.
Mais vous dire combien elle était belle
n’est au pouvoir de ma langue ni de mon savoir ;
je n’ose entreprendre si haute tâche.
Mon anglais d’ailleurs est insuffisant ;
il faudrait être rhéteur excellent,
connaissant les couleurs propres à cet art,
40 pour la décrire en toutes ses parties.
Je ne suis tel, il me faut parler comme je peux.
Or il advint que lorsque Cambinskan
eut pendant vingt hivers porté son diadème,
comme il avait coutume chaque année, je suppose,
il fit proclamer la fête de sa nativité
aux quatre coins de Sarray, sa cité,
le dernier jour des Ides de Mars, selon le cours de l’année.
Phébus le soleil était moult joyeux et clair,

  1. Considéré ici comme point de plus grande stabilité, — au sens de pivot. Cf. Paradise Regained, IV, 533 :
    Proof against all temptation as a rock
    Of adamant, and, as a centre, firm.