Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/448

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Après souper le noble roi
va voir le cheval de bronze, avec toute la foule
des seigneurs et des dames autour de lui.
Tant on s’émerveilla de ce cheval de bronze
que, depuis qu’eut lieu le grand siège de Troie
où un cheval aussi causa tant d’étonnement,
oncques ne fut pareil émerveillement.
Finalement le roi demande au chevalier
310 la vertu du coursier et son pouvoir,
et le prie de lui dire comment on le dirige.
Le cheval se prit à sauter et à danser
dès que le chevalier eut mis la main sur sa bride,
disant : « Messire, voici la chose :
quand vous voulez qu’il vous porte quelque part,
il vous faut tourner une cheville placée dans son oreille ;
je vous la désignerai entre nous.
Il faudra aussi lui nommer l’endroit
ou le pays où vous voulez aller.
320 Et en arrivant là où vous voulez vous arrêter,
dites-lui de descendre et tournez une autre cheville ;
car c’est là que réside l’effet de tout l’engin,
et alors il descendra et fera votre vouloir,
et en cet endroit demeurera tranquille,
quand le monde entier aurait juré le contraire ;
de là ne pourra-t-on le tirer ni le faire bouger.
Ou bien si vous voulez l’en faire partir,
tournez la cheville, et il s’évanouira aussitôt
aux yeux de tout le monde,
330 et reviendra, fût-ce de jour ou de nuit,
lorsqu’il vous plaira de le rappeler,
par tel moyen que je vous dirai
entre vous et moi, et cela tout à l’heure.
Montez-le quand il vous plaira, il n’y a rien autre à faire. »
Lors donc que le roi eut été renseigné par le chevalier,
et se fut exactement mis dans l’esprit
la disposition et la forme de tout l’appareil,
satisfait et joyeux, ce noble et vaillant roi
s’en revint à sa fête comme devant.
340 La bride à la tour est portée,
et rangée parmi ses joyaux chers et précieux.