Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/449

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le cheval, je ne sais comme, s’évanouit
hors de vue ; ne m’en demandez pas davantage.
Mais je laisse ainsi en liesse et joyeuseté
ce Cambinskan festoyant ses seigneurs
jusqu’à ce que le jour fût près de se lever.

Explicit prima pars.


Sequitur pars secunda.

Le nourricier de la digestion, le Sommeil,
tourna vers eux ses yeux clignotants, et les invita à considérer
que force libations et fatigues demandent du repos
350 et en bâillant tous les embrassa,
et dit qu’il était temps de s’en aller coucher,
car le sang était en son moment de domination[1] ;
« soignez le sang, ami de la nature », dit-il.
Ils le remercièrent en bâillant, par deux, par trois,
et chacun de s’en aller au repos
comme le Sommeil les y invitait ; c’était le mieux à faire.
Leurs rêves, je ne vous les dirai pas ;
pleine était leur tête des fumées
qui causent les songes, mais peu importe.
360 Ils dormirent jusqu’à prime passée[2],
pour la plupart, sauf pourtant Canacée ;
elle était très tempérante, comme le sont les femmes.
En effet de son père elle avait pris congé
pour s’en aller coucher, tôt après vêpre ;
point n’avait-elle envie d’être toute pâlie
et au matin de paraître languissante ;
et elle dormit son premier sommeil, et puis s’éveilla.
Car telle joie elle avait en son cœur
de son miroir et de sa bague étrange
370 que vingt fois elle changea de couleur ;
et dans son sommeil, sous l’impression
de son miroir, elle eut une vision.

  1. D’après le Calendrier des Bergers, le sang avait la maîtrise pendant les six heures qui suivent minuit ; dans les six heures qui précèdent midi, c’est la colère (ou bile) ; dans les six heures après midi, régnait la mélancolie ; et enfin, dans les six heures avant minuit, le flegme.
  2. Jusqu’à neuf heures du matin, d’après Mr. Skeat.