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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/473

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et aussitôt en route le voilà parti,
1170 dans l’espoir d’être soulagé de son souci.

Lorsqu’ils furent arrivés près de cette cité,
n’en étant plus qu’à deux cents toises ou trois,
ils rencontrèrent un jeune clerc se promenant tout seul,
qui, en latin, d’un ton encourageant, les salua,
et après cela dit une chose merveilleuse :
« Je sais (dit-il) la cause de votre venue. »
Et, avant qu’ils eussent fait un pas de plus,
il leur dit tout ce qu’ils avaient dans l’esprit.

Le clerc breton lui demanda des nouvelles de camarades
1180 qu’il avait connus dans les vieux jours,
et celui-ci lui répondit qu’ils étaient morts,
ce pourquoi, à plus d’une reprise, il versa mainte larme.
A bas de son cheval Aurelius descendit aussitôt,
et le voilà qui s’en va avec ce magicien,
chez lui, dans sa maison, et là prirent bien leurs aises ;
il ne leur manqua aucun mets qui pût leur plaire ;
de maison si bien fournie que celle-là,
Aurélius, sa vie durant, n’en avait jamais vu.

L’hôte lui montra, avant de s’en aller souper,
1190 des forêts, des parcs remplis d’animaux sauvages ;
là il vit des cerfs aux hautes cornes,
les plus grands qu’œil eût jamais vus.
Il en vit une centaine tués par les chiens,
et quelques-uns, percés de flèches, saignant de leurs blessures cuisantes.
Il vit, lorsque ces animaux sauvages eurent disparu,
des fauconniers sur une belle rivière,
qui, avec leurs faucons, ont tué le héron ;
puis il vit des chevaliers joutant dans une plaine.
Et après ceci le clerc lui procura le plaisir
1200 de lui montrer sa dame dans une danse
dans laquelle lui-même dansait, à ce qu’il lui semblait.
Et quand ce maître, qui avait accompli cette magie,
vit qu’il était temps, il frappa dans ses mains,
et adieu ! tout notre jeu avait disparu.
Et cependant ils n’avaient jamais bougé de la maison