Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/474

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pendant qu’ils voyaient ce spéciale merveilleux ;
mais dans son étude, là où étaient ses livres,
ils étaient assis sans bouger, et personne qu’eux trois.

Lors le maître appela à lui son écuyer,
1210 et lui dit ceci : « Notre souper est-il prêt ?
Il y a presque une heure, je crois,
que je vous ai dit de préparer notre souper,
quand ces dignes hommes sont venus avec moi,
dans mon étude, là où sont mes livres. »
« Sire (dit l’écuyer), quand il vous plaira.
Il est tout prêt, quand même vous le voudriez immédiatement. »
— « Allons donc souper (dit-il), car c’est le mieux ;
ces gens amoureux doivent parfois prendre repos. »

Après souper, ils se mirent à discuter
1220 quelle somme devrait être la récompense de ce maître
pour enlever tous les rochers de Bretagne,
et aussi depuis la Gironde jusqu’à l’embouchure de la Seine.
Il fit le difficile, et jura sur son salut
qu’il ne voulait pas avoir moins de mille livres[1]
et que même, pour cette somme, il ne partirait pas volontiers.
Aurélius aussitôt, le cœur plein de joie,
répondit ainsi : « Fi d’un millier de livres !
Le vaste monde, que les hommes disent être rond,
je le donnerais si j’en étais le seigneur ;
1230 le marché est bien conclu, cor nous sommes d’accord.
Vous serez payé fidèlement, par ma foi !
Mais prenez garde maintenant que, par négligence ou paresse,
vous ne nous attardiez par ici plus longtemps que demain. »
— « Nenni (dit le clerc), recevez ici ma foi pour gage. »
Au lit s’en est allé Aurélius quand il lui a plu,
et presque toute la nuit il prit du repos ;
tant à cause de son labeur que de son espoir de joie,
son cœur malade fut allégé de sa souffrance.

Le lendemain, aussitôt qu’il fut jour,
1240 de la Bretagne ils prirent droit le chemin,
Aurélius et ce magicien aussi,

  1. Livres, c’est-à-dire livres sterling.