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Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/513

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870 n’était le bon espoir qui se glisse en nos cœurs,
toujours supposant, bien que nous souffrions dur,
que nous serons par elle soulagés plus tard,
espérance et supposition qui sont aiguës et fortes ;
je vous en avertis, elle sera toujours à trouver.
Ce temps futur a poussé les gens à se séparer,
en confiance, de tout ce qu’ils avaient.
Cependant dans cet art ils ne peuvent s’assagir,
car il a pour eux une douceur amère ;
ainsi semble-t-il, car s’ils n’avaient qu’un drap
880 pour s’y envelopper durant la nuit,
et qu’un couvre-dos pour se promener dans le jour,
ils les vendraient pour les dépenser à ce mystère ;
Ils ne savent pas s’arrêter, qu’il ne reste plus rien.
Et toujours, en tout lieu où ils vont,
on peut les reconnaître à leur odeur de soufre ;
pour tout au monde, ils puent comme le bouc !
leur odeur de bélier est si chaude
qu’un homme qui serait à un mille de là,
par leur odeur, croyez-moi, serait infecté ;
890 ainsi donc, voyez-vous, par leur odeur et leur habit râpé,
on peut, si l’on veut, reconnaître nos gens.
Et si l’on veut leur demander dans le privé
pourquoi ils sont accoutrés si misérablement,
aussitôt ils vous chuchoteront dedans l’oreille
et vous diront que, s’ils étaient connus,
on les tuerait en raison de leur science ;
voilà comme ces gens trahissent l’innocence !
Laissons cela ; j’arrive à mon histoire :
Avant donc que le pot ne soit mis sur le feu,
900 avec certaine quantité de métaux,
mon maître les tempère, et nul autre que lui,
—- maintenant qu’il est parti, je puis le dire hardiment —
car, comme on dit, il sait habilement faire ;
en tout cas je sais bien qu’il a tel renom ;
souventes fois pourtant il tombe en faute ;
or savez-vous comment ? bien des fois il arrive
que notre pot se brise ! Adieu ! tout est parti !
Ces métaux ont si grande violence
que nos murs ne sauraient leur faire résistance,