Page:Chaucer - Les Contes de Canterbury.djvu/93

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pour ce qui est de vraie chevalerie,
aussi loin que Dieu a fait mer et terre,
jamais il n’y eut en un si petit nombre aussi noble compagnie.

Car tout homme qui aimait chevalerie
et voulait de grand cœur avoir un nom illustre
a demandé à être de ce tournoi ;
et heureux fut celui qui fut choisi.
2110Car s’il advenait demain pareil cas,
vous savez bien que tout vaillant chevalier
qui aime par amour et a toutes ses forces,
soit en Angleterre, soit ailleurs,
désirerait de grand cœur en être
pour combattre pour une dame. Benedicite !
ce serait un vaillant spectacle à voir !

Et c’est ainsi qu’ils partirent avec Palamon.
Avec lui vinrent nombre de chevaliers ;
les uns sont bien armés avec haubergeon
2120et plastron et casaque légère,
et d’autres voulurent avoir une paire de plastrons larges,
et d’autres ont voulu un écu de Prusse ou une targe ;
d’autres ont voulu être bien armés aux jambes
et avoir la hache, et d’autres une masse d’acier.
Il n’y a point d’équipement nouveau qui n’ait été anciennement.
Ils étaient armés, comme vous ai conté,
chacun selon son idée.

Là tu peux voir arriver avec Palamon
Ligurge lui-même, le grand roi de Thrace.
2130Noire était sa barbe, et viril son visage ;
les orbes de ses yeux en sa tête
luisaient d’un feu entre jaune et rouge ;
et comme un griffon il roulait ses yeux,
avec des poils hirsutes sur ses gros sourcils ;
ses membres étaient grands, ses muscles durs et forts,
ses épaules larges, ses bras ronds et longs.
Et, comme était l’usage en son pays,
bien haut sur un char d’or il était debout,
avec quatre taureaux blancs dans les traits.