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CHARLES GUÉRIN.

plus moyen de s’entendre ; lorsque la porte s’ouvrit pour laisser entrer Marichette, et le Monsieur de la ville qui passait pour son cavalier.

Aussitôt chacun se tut, autant par curiosité que par politesse. Le père Morelle se leva, éteignit sa pipe avec son doigt, la serra précieusement avec sa blague de peau de loupmarin, mit sa tuque sous son bras, et s’avançant vers le jeune étranger, lui serra cordialement la main.

— Monsieur, dit-il, vous êtes le bienvenu. Vous escuserais le peu qu’ y aura. Ma bonne femme, mes deux filles, et mes deux garçons que v’la, j’frons de not’ possible pour vous ben divertir. Et j’espérons que toute la compagné qu’est icit’, qui sont tous d’nos voisins et de nos bons amis feront comme nous autres.

Si Charles et Marichette avaient pu comparer le petit bout de conversation, que nous avons rapporté en commençant ce chapitre, avec l’accueil bienveillant que leur faisait le père Morelle et que tout le monde leur fit à son exemple, ils en auraient conclu qu’au village comme à la cour, les absens seuls ont tort. Il y avait cependant autant de sincérité dans les complimens qu’il y en avait eu dans les critiques ; celles-ci du reste n’étaient que comminatoires, et il dépendait de notre héros de leur donner tort ou raison. Quelques saluts gracieux, quelques bonnes poignées de mains, quelques propos gais et sans gêne, lui auraient concilié de suite ceux-mêmes qui avaient fait sur son compte les suppositions les moins charitables. Mais soit fierté, soit gaucherie ou distraction, Charles ne répondit que par une civilité froide et guindée à l’ac cueil de ces braves gens.

— Ah ça, ma bonn’ femme, dit le père Morelle, à c’t’heure que tous nos gens sont rendus, j’allons tâcher de s’mouver, et d’avancer à queuqu’chose. J’allons nous rendre dans la p’tite chambre là bas ous’ qu’il y a un coup et une croûte qui nous