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CHARLES GUÉRIN.

la fois de grâce, de beauté, d’amour filial, de vanité satisfaite, (sentiment qui ne contribue pas médiocrement à embellir une femme) elle semblait respirer avec volupté, comme un délicieux parfum, l’odeur de la poudre mêlée aux âcres exhalaisons du varec, et des autres plantes marines que les vagues du grand fleuve rejetaient sur le rivage. Du geste et de la voix, elle remerciait et encourageait les miliciens, et les plus jeunes d’entr’eux enthousiasmés, comme on peut bien le croire, épuisèrent tout ce que leurs poumons pouvaient leur fournir de cris de joie, et tout ce qu’on leur avait donné de munitions.

Charles, surpris et étourdi de tout ce tapage, auquel se mêlaient les hurlemens des chiens, et les cris de tous les animaux des habitations voisines, n’avait pas encore eu le temps de s’expliquer bien clairement ce que tout cela voulait dire, lorsqu’il aperçut Louise qui sortait de la maison, en rajustant de son mieux la modeste toilette qu’elle venait de se faire bien à la hâte. Il courut à elle.

— Bon, te voilà, Charles, fit la jeune fille. Je suis bien contente, tu vas venir avec moi ?

— Et où vas-tu de ce pas ?

— Chez Clorinde sûrement, lui faire mon compliment de tous les honneurs qu’on vient de leur rendre.

— Ah ! tu sais donc ce que ça veut dire ?

— C’est bien certain. Est-ce que tu ne vois pas le Mai qui est planté près de la maison ? M. Wagnaër a été fait major, et ils sont venus à l’improviste lui donner cette fête-là. Crois-tu, quelle surprise !

— Une surprise ! Ça doit en être une bonne en effet. Et où diable les gens de la paroisse ont-ils été pêcher tout cet amour-là pour M. Wagnaër, que personne ne pouvait souffrir ?

— Ne dis donc pas cela. Nous avons eu des préjugés contre lui, mais je t’assure que maman en est bien revenue. Clorinde est si bonne, et tout le monde l’aime tant.