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CHARLES GUÉRIN.

— Passe pour ta Clorinde. Elle est assez jolie fille, ma foi ! Et c’est seulement bien dommage qu’elle paraisse si fière de toutes ces singeries… Mais dis donc, ma petite soeur, comment se peut-il qu’elle soit si richement mise ?.. Si c’est là sa toilette, quand on la surprend, qu’est-ce donc, quand elle veut surprendre son monde ?

— Tiens, tu es un méchant. Mais il faut absolument que tu viennes avec moi. Voyons, ne fais pas l’ours. C’est bien assez que tu sois resté sur la grève, comme si tu avais eu peur des coups de fusil.

— Laisse donc, je me tenais à une distance respectueuse pour tout voir. Je serais curieux de savoir ce qu’ils se sont dit le capitaine et le major. J’ai entendu par-ci par-là des mots longs comme d’ici à demain…

— Voyons, mon bon Charles, pour ne pas me faire de peine, viens avec moi.

— Mais tu es folle ? Une visite, à cette heure-ci, chez des gens que je connais à peine !

— En voilà des cérémonies ! N’as-tu pas dit toi-même que Clorinde était en grande toilette ? viens donc ! Et en disant cela, Louise prenait son frère par le bras et l’entrainait sans trop de résistance de sa part ; car on pouvait les voir de chez M. Wagnaër, et il n’aimait pas à paraître trop sauvage.

La plupart des miliciens, profitant de l’invitation de leur major, s’étaient rendus à l’auberge voisine, et il ne restait plus que le capitaine Martin, et quelques uns des plus anciens et des plus respectables habitans qui causaient avec M. Wagnaër. Clorinde vint au devant de Louise et l’embrassa, et sans attendre qu’elle lui présentât son frère, elle échangea avec lui une cordiale poignée de main. M. Wagnaër de son côté fit un accueil charmant à son jeune voisin, et l’invita de suite à un déjeuner magnifiquement servi, qui se trouvait sans doute préparé par un effet de la surprise, comme tout le reste. M.