— Laissez-moi finir ; je propose qu’on l’ouvre.. en détail comme nos huitres.
— A la bonne heure !
— Pour voir ce qu’il y a dans un conseiller ?
— Savez-vous que nous mangeons assez souvent ces pauvres bêtes en vie ?
— Quoi ! les conseillers ?
— Non, les huitres.
— Comment sais-tu cela, toi, docteur Sangrado ; est-ce que tu leur tâtes le pouls ?
— C’est parce qu’il ne les traite pas, je suppose, qu’elles sont présumées vivre.
— Sérieusement l’autre jour, comme je commençais à en ouvrir une sans l’aide d’un couteau, elle s’est refermée vivement et m’a pincé le doigt.
— Eh ! bien, cela prouve qu’elle était morte.
— Faut-il déraisonner un peu ?
— Tais-toi donc, tu sais la médecine ; mais tu ne sais pas la loi… le mort saisit le vif. — Halte-là, Messieurs ; vous me faites penser à une triste affaire qui me tombe sur les bras… savez-vous bien que je pourrais être au premier jour saisi… mais non pas par un mort, comme l’entend la Coutume ; car alors c’est qu’on hérite ; et à cela je ne saurais avoir d’objection.
— Où diantre est-il allé pêcher des créanciers ?
— Comment, Voisin, un arabe, un juif comme toi, tu fais des dettes !
— Et tu te laisses poursuivre, condamner, saisir et vendre ; mais c’est charmant !
— Les plus fashionables de Québec ne font pas mieux.
— Voyez-vous, il se civilise.
— Il se perfectionne.
— Il se fait gentilhomme.