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CHARLES GUÉRIN.

— Combien qu’elle se monte déjà votre obligation, père Deschênes ?

— Deux cent louis.

— Ah ! ça n’est quasiment rien, pour c’ que vaut cette terre.

— Mais dites donc, François Guillot, vous qui d’vez connaître ces affaires-là à fonds ; il me semble que M. Wagnaër a eu une fameuse envie de cette propriété-là un temps ?

— Oui, mais il ne s’en soucie plus… et puis d’ailleurs, à présent elle va se trouver dans la famille.

— Ah ! c’est donc vrai ce qu’ils disent, que Monsieur Charles va se marier avec Mamz’elle Clorinde ?

— Dame ! ça en a ben d’l’air.

— Parlez-moi de ça. Ça en fera-t-il un joli mariage. Et pis les noces donc ! Ça sera encore pis qu’ la fête du Mai qu’ j’avons planté l’année dernière.

— Comment c’que vous appelez ce grand Mossieu, tout habillé en noir, qui vient avec M. Charles et le major ?

— C’est M. Voisin.

— Ah ! c’est c’ti- là qu’est l’avocat du Major.

— Tiens (crièrent les jeunesses sur le mur) v’là notre homme. V’là garçon à bonhomme Toupin qu’arrive avec son père.

Les deux huissiers, l’ancien et le nouveau, le père et le fils se placèrent sur le plus haut degré du perron de l’église, et le dos tourné à la grande porte.

Les habitans, au nombre d’une trentaine, se formèrent en cercle à une distance respectueuse ; M. Wagnaër, Charles et son ami Voisin se tenant un peu à l’écart.

— Ah ! ça, mes amis, c’est mon fils qu’a-z-été nommé bailli ; et encore bailli du shérif. Il vous servira, j’ vous réponds, comme j’ vous ai servi moé-même ben des années, et i’ fera son devoir comme i’ faut. Il est capable ; c’est pas pour le vanter ; la preuve, c’est qu’ Mossieu Wagnaër a répondu pour lui chez le shérif ; et que le shérif lui y a déjà donné-t-