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CHARLES GUÉRIN.

me laisser faire, j’ai trente six plans pour vous la faire avoir. Et v’là mes deux cousins qui se mettent à faire des embarcations de billets et de signatures, qui répondent les uns pour les autres, et qui font répondre le petit Guérin ; si ben, qu’à la fin du compte, v’là tout ce monde-là poursuivi et v’là qu’ils vont vendre la terre en question.

— Ah ! et quand cette terre sera-t-elle vendue ?

— Dame, ça ne tardera pas. C’est pour le commencement de mai.

— Et ce qu’il y a de plus drôle, c’est qu’ils ont si bien arrimé ce pauvre garçon, qu’ils l’ont traîné de porte en porte, chez tous les habitans qui auraient pu mettre sur sa terre, sous la frime que, comme ça, il pourrait la racheter à meilleur marché ; ce qui fait que quelqu’un l’achètera pour M. Wagnaër un prix raisonnable.

— Diable !

— Vous entendez bien, que le jeune homme ne perdra pas un sou : car tout ça, c’est une frime, rien que pour acheter la terre. Mais on lui remboursera tout le reste, vous me comprenez.

— Oui, je comprends.

— Mon cousin en a-t-il une chance un peu ? Sans compter que c’est une jolie fille, ce qui ne nuit pas, quand même qu’une fille est riche.

— Votre cousin a bien de la chance en effet. Mais vous me paraissez bien fatigué. Je vous ai trop laissé parler. Il faut prendre encore des gouttes et puis vous reposer. Pour cela, il est temps que je me retire.

Jean Guilbault ne fit qu’un bond de l’appartement du malade à sa propre demeure. La tête lui bouillait, l’indignation l’étouffait et il lui avait fallu tout son bon sens, pour ne pas éclater en présence de son malade. Voilà, se dit-il, une spoliation qui ne se fera pas si tranquillement qu’on le pense, ou Jean Guil-