III.
L’HÔPITAL DES ÉMIGRÉS.
E choléra sévissait à Québec avec
une rage inouïe. Bien loin d’avoir
été préservée, comme on l’espérait,
cette ville souffrait de l’épidémie
dans des proportions bien plus grandes que toutes les autres villes
de l’Amérique. Le fléau, dans sa
terrible bizarrerie, semblait, pour
détruire les préjugés que l’on entretenait à son égard, s’attaquer de préférence aux quartiers les
plus salubres, aux familles les plus considérées, aux santés les
plus robustes. De cent à cent cinquante victimes succombaient
chaque jour. Prêtres et médecins ne pouvaient suffire
à remplir leur ministère. Les émigrés et les pauvres gens
tombaient frappés dans les rues, et on les conduisait aux hôpitaux
entassés dans des charrettes, où ils se débattaient dans
des convulsions effrayantes. Les corbillards ne suffisaient
plus pour conduire les morts à leur dernière demeure. De
longues files de charrettes chargées chacune d’elles de plusieurs
cercueils se croisaient dans toutes les directions. Les décès
des gens riches et considérables étaient devenus si fréquens,
que les glas funèbres tintaient continuellement à toutes les
églises. L’autorité défendit de sonner les cloches, et leur silence,
plus éloquent que leurs sons lugubres, augmenta la
terreur au lieu de la diminuer.