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CHARLES GUÉRIN.

III.

UN COUP DE NORD-EST.



C’EST pour le district de Québec un véritable fléau que le vent de nord-est. C’est lui qui, pendant des semaines entières, promène d’un bout à l’autre du pays les brumes du golfe. C’est lui qui, au milieu des journées les plus chaudes et les plus sèches de l’été, vous enveloppe d’un linceul humide et froid, et dépose dans chaque poitrine le germe des catarrhes et de la pulmonie. C’est lui qui interrompt par des pluies de neuf ou dix jours, tous les travaux de l’agriculture, toutes les promenades des touristes, toutes les jouissances de la vie champêtre. C’est lui qui, durant l’hiver, soulève ces formidables tempêtes de neige qui interrompent toutes les communications et bloquent chaque habitant dans sa demeure. C’est lui, enfin, qui chaque automne préside à ces fatales bourrasques, causes de tant de naufrages et de désolations, à ces ouragans répétés et prolongés qui à cette saison rendent si dangereuse la navigation du golfe et du fleuve Saint Laurent.

Dès qu’il commence à souffler, tout ce qui, dans le paysage, était gai, brillant, animé, velouté, gazouillant, devient terne, froid, morne, silencieux, renfrogné. Un ennui, un malaise décourageant pénètre tout ce qui vous touche et vous environne. Bientôt des brumes légères, aux formes fantastiques, rasent en