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CHARLES GUÉRIN.

qu’il désire obtenir d’eux, mais à s’en rapporter entièrement à leur jugement, après leur avoir exposé modestement et habilement sa manière de voir. Il est rare que le verdict populaire ne soit pas en sa faveur.

Ses sermons sont fort goûtés de ses auditeurs. Il les fatigue rarement par de longues dissertations sur le dogme. Il ne s’enroue pas à prêcher à de pauvres gens qui arrachent leur subsistance à la sueur de leur front, le détachement des richesses, le renoncement au monde et la mortification. Il ne leur fait pas un crime des fêtes et des divertissemens innocens, qui leur aident à remplir gaîment leur carrière laborieuse.

Mais il tonne contre l’envie, la médisance, la calomnie, l’esprit de ruse et de querelle, l’indolence, la paresse, l’ivrognerie qui sont la source de bien des maux. S’il leur parle souvent, pour ranimer leur courage, des petits oiseaux du ciel, que Dieu nourrit sans inquiétude du lendemain, il leur rappelle plus souvent encore la parabole du père de famille et des talens confiés à ses serviteurs. Il leur dit que nous sommes tous les serviteurs de Dieu et que nous devons faire valoir les biens qu’il nous a donnés. Il enseigne que ce n’est pas se défier de la providence que d’amasser une dot pour sa fille, d’établir honnêtement chacun de ses fils, et de leur léguer à tous un peu plus qu’on n’a reçu de ses ancêtres, pourvu que tout cela soit du bien bien acquis, et dont le pauvre ait toujours eu sa part. Il leur prêche surtout et par-dessus tout la charité, qu’il leur recommande bien de ne pas confondre avec l’aumône, et il ajoute que, sans la justice, il n’y a pas de charité, et que celui qui donne aux pauvres ou à l’église d’un côté, tandis que de l’autre il triche ou maltraite son voisin, fait la part du diable bien large, et insulte le bon Dieu.

Au reste le zèle de ses paroissiens court au devant de ses désirs. Déjà l’humble chapelle de bois a été remplacée par une belle église de pierre, dont le clocher brille au soleil aussi